L’activité partielle de longue durée « rebond » en cas de réduction durable d’activité

L’article 193 de la loi de finances pour 2025 (LF 2025) a créé, en raison de la conjoncture économique, un dispositif spécifique d’activité partielle de longue durée rebond, dit aussi « APLD-R », qui permet aux entreprises confrontées à une réduction durable d’activité, qui n’est pas de nature à compromettre leur pérennité, de diminuer l’horaire de travail en contrepartie d’engagements en matière de maintien dans l’emploi et de formation professionnelle des salariés placés en APLD-R. Les modalités d’application de ce dispositif ont été fixées par le décret 2025-338 du 14-4-2025. Le dispositif de l’APLD-R est désormais accessible aux employeurs éligibles.

Conditions de mise en place de l’APLD-R

Un accord collectif ou un document unilatéral. L’employeur peut recourir à l’APLD-R à condition de conclure un accord collectif d’établissement, d’entreprise ou de groupe ou en application d’un accord de branche étendu d’APLD-R (Loi 2025-127 du 14-2-2025, LF 2025 art. 193, I, JO du 15). Si l’employeur souhaite recourir à l’APLD-R en application d’un accord de branche étendu, il est tenu d’élaborer, après consultation du comité social et économique (CSE) s’il existe, un document unilatéral (DUE) qui doit préciser les conditions de mise en oeuvre, au niveau de l'établissement ou de l'entreprise, des stipulations de l'accord de branche étendu (Décret art. 6 ; LF 2025 art. 193, II).

Diagnostic de la situation de la branche ou de l’entreprise. L'accord de branche étendu ou l'accord collectif doit comporter un préambule qui présente un diagnostic sur :

  • la situation économique de la branche ou celle de l'établissement, de l'entreprise ou du groupe justifiant une baisse durable d'activité ;
  • les perspectives d'activité de la branche, de l'établissement, de l'entreprise ou du groupe ainsi que, lorsqu'il s'agit d'un accord collectif, les actions à engager afin d'assurer une activité garantissant sa pérennité ;
  • les besoins de développement des compétences dans la branche ou dans l'établissement, l'entreprise ou le groupe au regard des perspectives d'activité identifiées (Décret art. 1er).

 

 

À noter. Selon le ministère du Travail, ce diagnostic individualisé doit retracer les difficultés économiques rencontrées et estimer la durée de la baisse d’activité d’après des indicateurs objectivables. L’employeur doit y définir clairement les actions permettant de rétablir l’activité de l’établissement, de l’entreprise ou du groupe, accompagnées d’un calendrier prévisionnel de mise en oeuvre. Dans ce cadre, il recommande de présenter un prévisionnel d’exploitation et un plan de trésorerie sur la durée de recours à l’APLD-R.

 

 

Mentions obligatoires. D’autre part, l’accord collectif ou le DUE doit au moins définir :

  • la date de début et la durée d'application de l’APLD-R ;
  • s’il s'agit d'un accord collectif, le périmètre des établissements, des activités et des salariés auxquels s'applique ce dispositif ;
  • la réduction maximale de l'horaire de travail ;
  • les engagements souscrits en matière de maintien dans l'emploi et de formation professionnelle ;
  • les modalités d'information des organisations syndicales de salariés signataires et des institutions représentatives du personnel sur la mise en oeuvre de l'accord collectif. Cette information doit être communiquée au moins tous les 3 mois (Décret art. 2).

Engagements en matière de formation profes­sionnelle des salariés placés en APLD-R. Les engagements souscrits en matière de maintien dans l'emploi et de formation professionnelle doivent avoir notamment pour objectif de développer les compétences des salariés placés en APLD-R afin de favoriser leur mobilité professionnelle et de répondre aux besoins de développement des compétences dans la branche ou dans l'établissement, l'entreprise ou le groupe au regard des perspectives d'activité identifiées. Ces engagements doivent concerner, au moins, l'intégralité des salariés compris dans le périmètre des établissements et des activités auxquels s'applique le dispositif d’APLD-R pendant toute sa durée d'application.

L'accord collectif ou le DUE doit préciser la liste des actions de formation proposées aux salariés compris dans le périmètre de l’APLD-R, ainsi que les modalités de financement de ces actions et d'information des salariés. Les actions de formation concernées sont celles concourant au développement des compétences suivantes : actions de formation, bilans de compétences, actions de validation des acquis de l'expérience et actions de formation par apprentissage (C. trav. art. L 6313-1) (Décret art. 5).

Information des salariés et du CSE sur les engage­ments souscrits. L'employeur doit informer les salariés compris dans le périmètre de l'accord collectif ou du DUE des engagements qu'il a souscrits en matière de maintien dans l'emploi et de formation profession­nelle, ainsi que le CSE lorsque l'entreprise compte au moins 50 salariés (Décret art. 7). Les engagements pris par l’employeur sont applicables pendant toute la durée d’application de l’accord ou du DUE.

Réduction maximale de l’horaire de travail de 40 % et sous condition jusqu’ à 50 %. L’APLD-R permet à l’employeur de réduire l'horaire de travail dans la limite de 40 % de la durée légale de travail ou, si elle est inférieure, de la durée collective ou de la durée stipulée au contrat sur la période considérée. Cette réduction s'apprécie pour chaque salarié concerné sur la durée d'application du dispositif d’APLD-R prévue par l'accord collectif ou le DUE et peut conduire, pour certaine période, à la suspension temporaire de l'activité (Décret art. 4). Lorsqu'une situation économique particulière le justifie, l’accord collectif ou l’accord de branche étendu peut prévoir un dépassement de la réduction de l'horaire de travail au-delà de 40 % dans la limite de 50 % et les conditions dans lesquelles ce dépassement est possible. L'autorité administrative doit autoriser, au regard des conditions prévues par l'accord, le dépassement de la durée maximale de réduction de l'horaire de travail.

 

 

Des mentions facultatives

L’accord collectif ou le DUE peut aussi prévoir d’autres mentions facultatives, notamment les conditions dans lesquelles les salariés prennent leurs congés payés et utilisent leur compte personnel de formation, avant ou pendant la mise en oeuvre du dispositif ou les actions spécifiquement engagées en faveur du maintien dans l'emploi des salariés âgés d'au moins 57 ans.

 

 

Validation de l’accord ou homologation du document par l’administration

Transmission dématérialisée à la DDETS. L’employeur doit adresser la demande de validation de l'accord collectif ou d'homologation du DUE à la Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) par voie dématérialisée via le site https://activitepartielle.emploi.gouv.fr (C. trav. art. R 5122-26 ; Décret art. 8). Le ministère du Travail précise que l’accord d’APLD-R doit aussi faire l’objet d’un dépôt sur la plateforme TéléAccords (https://accords-depot.travail.gouv.fr/accueil), indépen­damment de sa transmission à la DDETS.

Validation ou homologation par la DDETS. La DDETS valide l’accord collectif après s’être assurée du respect des conditions de validité et de la régularité de la procédure de négociation, ainsi que de la mention dans l’accord de l’ensemble des informations obliga­toires (LF 2025 art. 193, III et IV). Elle homologue le DUE après avoir vérifié la régularité de la procédure d’information et de consultation du CSE s’il existe, la présence de l’ensemble des informations obligatoires, la conformité aux stipulations de l’accord de branche étendu et la présence d’engagements spécifiques en matière de maintien dans l'emploi et de formation professionnelle (LF 2025 art. 193, V).

La DDETS doit notifier, par voie dématérialisée, sa décision motivée de validation de l’accord collectif dans les 15 jours à compter de sa réception, ou sa décision motivée d’homologation du DUE dans les 21 jours à compter de sa réception à l’employeur, au CSE s’il existe, et, pour les accords collectifs, aux syndicats représentatifs signataires s’ils existent (Décret art. 9 ; LF 2025 art. 193, VI). Le silence gardé par l'administration pendant le délai de 15 ou de 21 jours vaut décision de validation ou d’homologation. Dans ce cas, l’employeur doit transmettre une copie de la demande de validation ou d’homologation, accompagnée de son avis de réception par la DDETS, au CSE et, pour un accord collectif, aux syndicats représentatifs signataires s’ils existent.

Information des salariés. L’employeur doit porter à la connaissance des salariés, par voie d’affichage sur leur lieu de travail ou par tout autre moyen permettant de conférer date certaine à cette information, la décision de validation ou d’homologation ou, à défaut, la demande de validation ou d’homologation (accompagnée de son avis de réception) et les voies et délais de recours.

Date et durée d’application du dispositif

Date d’application. Le dispositif de l’APLD-R s’applique aux accords collectifs et aux DUE transmis à l’administration pour validation ou homologation à compter du 1-3-2025 et jusqu’à une date déterminée par décret, au plus tard le 28-2-2026. L’accord validé ou le DUE homologué pourra être révisé par des avenants transmis pour validation ou homologation à l’administration, même après le 28-2-2026 (LF 2025 art. 193, VIII).

 

 

À noter. Le ministère du Travail a précisé que les employeurs doivent impérativement transmettre à la DDETS leur accord collectif ou leur DUE avant le 28-2-2026, car après cette date, aucune nouvelle entrée dans le dispositif ne sera possible. Les entreprises bénéficiant d’un accord validé ou d’un DUE homologué avant le 28-2-2026 pourront toutefois conclure des avenants modificatifs de l’accord ou du DUE après le 28-2-2026.

 

 

Durée d’application de l’APLD. L’employeur peut recourir au dispositif d’APLD-R dans la limite d'une durée de 24 mois consécutifs à compter de la date qu’il a choisie et qui est fixée par la décision adminis­trative de validation ou d'homologation. Cette date doit être comprise entre le 1er jour du mois civil au cours duquel la demande de validation ou d'homologation a été transmise à la DDETS et le 1er jour du 3e mois civil suivant la transmission de cette demande. Cette date doit être commune à tous les établissements compris dans le périmètre d'un même accord collectif d'entreprise ou de groupe, ou d'un même DUE pour une entreprise ou un groupe (Décret art. 10).

Exemple. Si une demande de validation ou d’homolo­gation est transmise à la DDETS le 10-7-2025, la date de début d’application de l’APLD-R doit être comprise entre le 1-7-2025 et le 1-10-2025.

 

 

Non-cumul de l’APLD-R avec l’APLD et l’activité partielle de droit commun

Une entreprise ne peut pas recourir en même temps à l’APLD-R et au dispositif spécifique d’activité partielle de longue durée (APLD), qui ne peut plus être mis en place depuis le 1-1-2023, mais dont les dispositifs existants peuvent s'appliquer jusqu'au 31-12-2026 au plus tard (LF 2025 art. 193, VIII). Selon le ministère du travail, si l’entreprise est couverte par un accord ou un DUE d’APLD, l’employeur pourra présenter, pour validation ou homologation de l’autorité administrative, un avenant mettant fin de façon anticipée au dispositif d’APLD, afin de transmettre ensuite, à l’autorité administrative, un accord ou DUE d’APLD-R pour validation ou homologation avant le 28-2-2026.

Une entreprise ne peut pas recourir, sur une même période et pour un même salarié, à l’APLD-R et à l’activité partielle de droit commun. Mais l’employeur bénéficiant de l’APLD-R pour une partie de ses salariés peut bénéficier, en même temps sur la durée d'application de ce dispositif, pour d'autres salariés de l’activité partielle de droit commun, en cas de difficultés d'approvisionnement en matières premières ou en énergie, de sinistre ou d’intempéries de caractère exceptionnel, de transformation, restructuration ou modernisation de l'entreprise ou toute autre circonstance de caractère exceptionnel (Décret art. 11). Selon le ministère du Travail, il n’est pas possible de recourir en même temps à l’APLD-R et à l’activité partielle de droit commun pour un motif de conjoncture économique.

 

 

Autorisation de placement en APLD-R

Au cours de la durée d'application du dispositif de 24 mois consécutifs, l'employeur peut bénéficier jusqu'à 18 mois d’indemnisation, consécutifs ou non.

Une autorisation de placement en APLD-R par périodes de 6 mois. La décision de validation de l’accord ou d'homologation du DUE vaut autorisation de placement en APLD-R pour une durée de 6 mois. L'employeur peut demander, pour les mêmes établissements, de nouvelles autorisations de placement en APLD-R par période de 6 mois maximum, dans la limite de la durée d’application du dispositif de 24 mois consécutifs. Ces autorisations entrent en vigueur à la même date pour l'ensemble des établissements concernés (Décret art. 12).

Informations à transmettre à l’administration. Avant l'échéance de chaque période d'autorisation de placement en APLD-R, l'employeur doit adresser à la DDETS un bilan portant sur le respect de la réduction maximale de l'horaire de travail et des engagements en matière de maintien dans l’emploi et de formation professionnelle (Décret art. 13).

Lorsque l'employeur demande une nouvelle autorisation de placement en APLD-R, il doit adresser à la DDETS par voie dématérialisée un bilan actualisé portant sur le respect de la réduction maximale de l'horaire de travail et des engagements en matière de maintien dans l’emploi et de formation professionnelle, un diagnostic actualisé justifiant notamment la baisse durable d'activité et présentant les actions engagées afin de rétablir l'activité et le procès-verbal de la dernière réunion au cours de laquelle le CSE, lorsqu'il existe, a été informé de la mise en oeuvre de l’APLD-R (Décret art. 14).

Dans la limite des 18 mois d’indemnisation, la DDETS peut accorder à l'employeur une nouvelle autorisation de placement en APLD-R en cas de persistance des circonstances justifiant la baisse durable d'activité. Elle tient compte notamment du bilan et du diagnostic mentionnés ci-dessus, du respect de la réduction maximale de l'horaire de travail et des engagements en matière de maintien dans l'emploi et de formation professionnelle ainsi que de la mise en oeuvre des actions à engager visant à rétablir l'activité. La décision de la DDETS est notifiée par voie dématérialisée à l'employeur qui doit en informer le CSE, s’il existe (Décret art. 15). L'absence de réponse à une nouvelle demande d'autorisation, dans un délai de 15 jours à compter de la date de réception dans le cas d'un accord collectif et dans un délai de 21 jours à compter de la date de réception dans le cas d'un DUE vaut décision d'acceptation (Décret art. 16).

Indemnisation au titre de l’APLD-R

Indemnité versée au salarié. Pour chaque heure indemnisable, le salarié placé en APLD-R reçoit, de l’employeur, une indemnité horaire correspondant à 70 % de sa rémunération horaire brute de référence retenue dans la limite de 4,5 Smic, soit 53,46 € par heure. Le montant maximal de l’indemnité horaire versée au salarié est égal à 37,42 € (53,46 € × 70 %) et son montant minimal à 9,40 € environ (8,10 € à Mayotte). Pendant la période de réalisation des actions de formation, dont le salarié placé en APLD-R peut bénéficier durant les heures chômées, l’indem­nité horaire est portée à 100 % de la rémunération nette antérieure du salarié (Décret art. 17).

Allocation versée à l’employeur. Pour chaque heure indemnisable, l’employeur reçoit de l’État, via l'Agence de services et de paiement (ASP), une allocation égale à 60 % de la rémunération horaire brute du salarié, limitée à 4,5 Smic horaire, soit une allocation horaire maximale de 32,08 €, ce montant horaire ne pouvant être inférieur à 9,40 € (8,10 € à Mayotte) (Décret art. 18). Ce minimum n'est pas applicable aux salariés en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation, aux journalistes pigistes et aux salariés VRP lorsque leur rémunération est inférieure au Smic.

Contrôle de l’administration sur la période d’APLD-R

Avant l'échéance du dispositif de l’APLD-R, l'employeur doit adresser à la DDETS un bilan final portant sur le respect de la réduction maximale de l'horaire de travail et des engagements en matière de maintien dans l’emploi et de formation professionnelle. Ce bilan doit être accompagné d'une présentation des perspectives d'activité de l'établissement, de l'entre­prise ou du groupe à la sortie du dispositif ainsi que du procès-verbal de la dernière réunion au cours de laquelle le CSE, s'il existe, a été informé sur la mise en oeuvre de l’APLD-R (Décret art. 19).

Remboursement des sommes indues. L’administration peut demander le remboursement de tout ou partie de l'allocation versée (Décret art. 20). Elle peut demander à l'employeur le remboursement à l'ASP, dans un délai ne pouvant être inférieur à 30 jours, de tout ou partie des sommes versées au titre de l'allocation d’APLD-R en cas de trop-perçu, pour chaque salarié compris dans le périmètre de l'accord collectif ou du DUE d’APLD-R qui est licencié pour motif économique pendant sa durée d'application ou pour chaque salarié placé en APLD-R au-delà de la réduction maximale de l'horaire de travail (Décret art. 21). Le remboursement de tout ou partie des sommes dues par l'employeur peut ne pas être exigé s'il est incompatible avec la situation économique et financière, selon le cas, de l'établissement, de l'entreprise ou du groupe (Décret art. 22).

Décret 2025-338 du 14-4-2025, JO du 15 ; Loi 2025-127 du 14-2-2025 de finances pour 2025 art. 193, JO du 15 ; Ministère du travail, questions-réponses relatif à l’APLD-R, mise à jour le 22-4-2025

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