Le champ de l’action de groupe est élargi depuis le 3-5-2025

Désormais, l’action de groupe peut être intentée contre tout manquement de l'employeur à ses obligations légales et contractuelles.

 

En matière sociale, l'action de groupe a été introduite en droit français par la loi 2016-1547 du 18-9-2016 et visait deux domaines, à savoir la lutte contre les discriminations (C. trav. art. L 1134-6 à L 1134-10) et la protection des données personnelles (Loi 78-17 du 6-1-1978 art. 37 et 38).

L'article 16 de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne, dite « DDADUE » du 30-4-2025 (JO du 2-5)  a revu le régime de l’action de groupe pour le mettre en conformité avec le droit européen et l’unifier et a étendu son champ d’application en droit du travail. Cet article, qui regroupe désormais l’ensemble des dispositions régissant le nouveau régime de l’action de groupe, est applicable aux actions intentées après la publication de la loi, soit à compter du 3-5-2025. Les actions intentées avant la publication de la loi restent régies par les dispositions antérieures.

Engager une action de groupe en droit social

 Désormais, l’action de groupe peut être exercée en justice par un demandeur pour le compte de plusieurs personnes physiques ou morales, placées dans une situation similaire, résultant d'un même manquement ou d'un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles commis par une personne agissant dans l'exercice ou à l'occasion de son activité professionnelle, sans restriction en matière de droit du travail (Loi art. 16, I-A).

En droit du travail, l'action de groupe peut être engagée en matière de lutte contre les discriminations, de protection des données personnelles ou désormais lorsqu’elle tend à la cessation du manquement d'un employeur ou à la réparation de dommages causés par ce manquement à plusieurs personnes placées sous l'autorité de cet employeur (Loi art. 16, I-C).

Objet de l’action de groupe. L'action de groupe est exercée pour obtenir la cessation du manquement et/ou la réparation des préjudices subis du fait de ce manquement. La procédure de réparation des préjudices peut être individuelle ou collective si le demandeur à l’action le demande (la réparation collective des préjudices est négociée entre le demandeur et le défendeur et un  accord est homologué par le juge) (Loi art. 16, III-A-2). Les associations et syndicats peuvent désormais aussi recourir à une médiation pour obtenir la réparation des préjudices individuels (Loi art. 16, III-C).

Qualité pour agir. En droit du travail, l'action de groupe peut être exercée, au principal ou, conjointement, par (Loi art. 16, I-C-1) :

  • les associations agréées à cette fin, dont la liste sera mise à la disposition du public dans des conditions fixées par décret ;
  • les associations à but non lucratif régulièrement déclarées depuis au moins 2 ans justifiant de l'exercice d'une activité effective et publique depuis 24 mois consécutifs et dont l'objet statutaire comporte la défense d'intérêts concernés, pour les seules actions visant la cessation du manquement de l’employeur ;
  • les organisations syndicales représentatives de salariés. Les syndicats sont recevables à défendre les intérêts individuels des salariés, et pas seulement les intérêts collectifs de la profession.

Tribunal compétent. Les actions de groupe sont portées devant l'ordre de juridiction compétent pour en connaître (Loi art. 16, V). S'agissant de l'ordre judiciaire, les litiges engagés en toutes matières sont portés devant le tribunal judiciaire spécialement désigné (C. org. jud. art. L 211-15 rétabli).

Conditions d’exercice de l’action  et nouvelle sanction civile

 Mise en demeure préalable pour les seuls manquements en droit du travail. Avant l'engagement d'une action de groupe fondée sur un manquement au Code du travail, le demandeur (l’association ou le syndicat) doit demander à l’employeur, par tout moyen conférant date certaine à cette demande, de faire cesser ce manquement. Dans le mois suivant la réception de cette demande, l'employeur doit en informer le comité social et économique (CSE) et les syndicats représentatifs dans l'entreprise. Ceux-ci peuvent demander à l’employeur d’engager une discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de manquement alléguée. À l'issue d'un délai de 6 mois à compter de cette demande, l'action de groupe peut être engagée (Loi art. 16, I-F).

Exercice de l’action. Le demandeur qui exerce l’action de groupe pour obtenir la cessation d'un manquement n’a  pas à établir un préjudice pour les membres du groupe, ni l'intention ou la négligence de l'employeur (Loi art. 16, II). Si l’action est exercée pour obtenir la réparation des préjudices subis, le demandeur doit présenter des cas individuels au soutien de ses prétentions (Loi art. 16, III-A-1).

Portée de l'action de groupe. Le jugement sur la responsabilité et celui sur l'homologation de l'accord ont autorité de chose jugée envers les membres du groupe dont le préjudice a été réparé. Une autre action de groupe se fondant sur le même fait générateur, le même manquement et la réparation des mêmes préjudices que ceux reconnus par le jugement ou l'accord n'est pas recevable (Loi art. 16, IX).

Nouveauté : une sanction civile en cas de faute dolosive. Le juge peut condamner l’employeur reconnu responsable d'un manquement  à ses obligations légales ou contractuelles à une amende civile s’il a délibérément commis une faute en vue d'obtenir un gain ou une économie indue et que cette faute a causé un ou plusieurs dommages à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire.  Le montant de l’amende civile est proportionné à la gravité de la faute commise et au profit que l’employeur en a retiré (Loi art. 16, I-XI). Cette sanction civile s’applique aux seules actions dont le fait générateur de la responsabilité du défendeur est postérieur à la publication de la loi, soit postérieur au 2-5-2025 (Loi art. 16, XVII-F).

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