Imposition des revenus des gérants majoritaires de Selarl : la doctrine partiellement annulée
Dans une décision du 8-4-2025, le Conseil d’État annule la doctrine administrative qui admet que les gérants majoritaires de Selarl retiennent un forfait de 5 % de leurs rémunérations d’ensemble perçues au titre de leurs activités libérale et de gérance en tant que revenus afférents à la gérance. Il en est de même de celle selon laquelle certaines tâches, telles que la prise de rendez-vous ou la facturation du client, sont systématiquement considérées comme inhérentes à l’activité libérale.

Saisi d’un recours pour excès de pouvoir, le Conseil d’État se prononce sur le nouveau cadre fiscal des revenus des associés de sociétés d’exercice libéral (Sel).
Pour rappel, la doctrine administrative prévoit, depuis l’imposition des revenus de 2024, que la rémunération des associés de Selafa, Selas, Selarl et Selca perçue au titre de leur activité libérale est déclarée à l’impôt sur le revenu dans la catégorie, en principe, des bénéfices non commerciaux (BNC). Auparavant, dès lors que ces Sel étaient assujetties à l’impôt sur les sociétés en raison de leur forme, ces revenus étaient imposables dans la catégorie des traitements et salaires ou, pour ce qui concerne les gérants majoritaires de Selarl et les gérants de Selca, dans les conditions prévues à l’article 62 du CGI.
Une difficulté pratique se pose pour les gérants majoritaires de Selarl et les gérants de Selca. C’est sur ce point que le Conseil d’État a été amené à se prononcer. La doctrine de l’administration prévoit deux situations.
Tâches de nature administrative
Tout d’abord celle dans laquelle les rémunérations en tant que gérant peuvent être distinguées de celles au titre de l’activité libérale. Dans ce cas, les revenus de l’activité libérale doivent en principe être imposés en tant que BNC. À cet égard, l’administration fiscale considère que « les rémunérations perçues au titre de la fonction de gérant sont celles allouées à raison des tâches qui ne sont pas réalisées dans le cadre de l’activité libérale (par exemple : convocation d’assemblée, représentation de la société dans les rapports avec les associés et à l’égard des tiers, décision de déplacement du siège social de la société, etc.) » (BOI-RSA-GER-10-30 n° 530). A contrario, l’administration prévoit aussi celles qui en sont exclues. Il s’agit, selon elle, des « tâches de nature administrative qui sont inhérentes à la pratique de l’activité libérale telles que la facturation du client ou du patient, l’encaissement, les prises de rendez-vous, les approvisionnements de fournitures, la gestion des équipes ou la rédaction de documents tels que des ordonnances de prescription » (BOI-RSA-GER-10-30 n° 530). Selon l’administration, la rémunération de ces tâches doit être taxée dans la catégorie des BNC.
Le Conseil d’État estime au contraire qu’il ne saurait être prévu, de manière générale et en toutes circonstances, que les tâches administratives citées (facturation, prise de RDV…) sont inhérentes à la pratique d’une activité libérale. Il annule ainsi les mots « la facturation du client ou du patient, l’encaissement, les prises de rendez-vous, les approvisionnements de fournitures, la gestion des équipes ou » au paragraphe n° 530 du BOI précité. Les mots correspondant à ces tâches sont donc annulés du Bofip. Le Conseil d’État laisse en revanche les mots « la rédaction de documents tels que des ordonnances de prescription » qu’il juge toujours inhérents à une activité médicale ou paramédicale.
Ratio de 5 %
La deuxième situation prévue par la doctrine administrative est la suivante : « Lorsque les rémunérations qui sont allouées à raison de l’exercice d’une activité libérale ne peuvent pas être distinguées de celles perçues au titre des fonctions de gérant, elles sont imposées dans les conditions prévues à l’article 62 du CGI. Dans ce cas, l’intéressé doit être en mesure de fournir par tout moyen l’ensemble des éléments de preuve permettant de justifier de cette impossibilité » ((BOI-RSA-GER-10-30 n° 540).
L’administration admet « à titre de règle pratique, qu’une part de 5 % de la rémunération d’ensemble perçue par les gérants majoritaires de Selarl et les gérants de Selca au titre de leurs activités libérale et de gérance correspond aux revenus afférents à leurs fonctions de gérant, imposables dans les conditions de l’article 62 du CGI, qu’il soit possible de les distinguer ou non de la rémunération technique » (BOI-RSA-GER-10-30 n° 550).
Le Conseil d’État juge que cette tolérance administrative qui ajoute à la loi est entachée d’illégalité. Elle est donc annulée.
CE 8-4-2025 n° 492154
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